Wendell Phillips High School : la forge du basketball afro-américain à Chicago

Le 18 août 2025 à 16:53 par David Carroz

Wendell Phillips High School - la forge du basketball afro-américain à Chicago
Source image : TrashTalk via ChatGPT

Après l’aventure des Wabash Outlaws – terminée après la guerre – et tandis que les filles des Chicago Roamers s’affirment, différents Black Fives tentent de grandir à Chi-town. Mais les équipes ont beau rivaliser d’ingéniosité pour attirer les meilleurs ballers du coin, c’est dans un lycée que la communauté afro-américaine peut exprimer sa fierté : un bahut de South Side, Wendell Phillips High School – qui doit son nom à un abolitionniste.

Ouvert en 1904, Wendell Phillips n’est pas le premier lycée à briller sur les parquets chicagoans pour les Afro-américains. Le Lane Tech de Virgil Blueitt, au début des années dix, a eu cette primeure, mais quasi anonymement. Et le chemin jusqu’aux équipes de basketball de Wendell Phillips a été long pour les Afro-américains usant leur futal sur les bancs du lycée.

Si l’éducation est intégrée dans l’Illinois et donc à Chicago, cela ne signifie pas pour autant qu’elle est égalitaire, y compris dans le premier lycée public à ouvrir ses portes à South Side. Au début du vingtième siècle, le coin n’est pas encore devenu le quartier afro-américain de la ville, si bien que ce sont avant tout des Blancs aisés qui sont inscrits à Phillips High. 37 Afro-américains pour apporter un peu de diversité la première année, 90 en 1907, le contingent n’est pas immense.

Mais la Grande Migration bouscule le rapport de force dans les années dix. À mesure que la population afro-américaine s’accroît à Chicago, elle atterrit à South Side. Et apporte de nouveaux lycéens issus de cette communauté à Wendell Phillips qui devient en 1915 la première école majoritairement afro-américaine de Chicago.

Problème : cette évolution de la composition des effectifs de Wendell Phillips ne sied guère au principal du lycée. S’il n’a d’autre choix que d’accepter l’intégration, il ne compte pas la facilité ou rendre la vie des Afro-américains agréable. Ils sont alors régulièrement mis de côté des équipes sportives, jusqu’en 1919 – année des émeutes raciales – où ce dirlo est mis dehors suite aux nombreuses plaintes à son encontre. Cela tombe bien, le programme basket de Wendell Phillips High School va exploser grâce à l’arrivée de plusieurs jeunes Afro-américains talentueux. Le lycée devient the place to be pour les éléments de cette communauté qui veulent réussir, académiquement ou sportivement.

Wendell Phillips High School

Aller à l’école pour faire du sport. Mais pourquoi quand les parcs et les terrains sont nombreux à Chicago ? Parce que les Blancs y font la loi et en contrôlent l’accès. Une situation loin d’être anecdotique, car sans endroit où jouer autre qu’une allée sale ou une rue non adaptée à la pratique du sport, c’est le chemin des petits larcins puis du crime qui est plus facilement suivi selon un rapport des services sociaux de la ville en 1921. La violence dans le quartier – toujours d’actualité plus d’un siècle plus tard – trouve ses racines dans ce racisme. Le rapport insiste : il faut des occupations pour ces jeunes. YMCA et école, premiers leviers d’action, ne peuvent pas tout faire.

Tout n’est pas rose non plus dans leur cadre. Les sorties de la YMCA de Wabash se soldent régulièrement par des tensions raciales. Les déplacements de Wendell Phillips également. Lors de la saison 1919-20, alors que seuls deux Afro-américains sont dans l’équipe, les matchs à l’extérieur sont chaotiques, avec quelques interventions de la police pour escorter les joueurs hors du gymnase… On ne parle pas de trajet en Alabama, mais bien dans Chicago intra-muros.

Les années passent, les rosters sont désormais composés que d’Afro-américains ou presque et les résultats s’améliorent. Que ce soit l’équipe junior – dite poids léger à l’époque – ou celle senior – poids lourd – le règne sur South Side débute, sans jamais réussir à concrétiser au niveau de Chicago. Les premiers noms sortent du lot comme Toots Wright ou Tommy Brookins, deux joueurs qui passent ensuite dans d’autres équipes chicagoanes, dont les Globetrotters. À l’initiative du Chicago Defender, un déplacement est organisé en avril 1924 à Washington D.C. pour affronter Armstrong Manual Training, les boss du basketball afro-américain à The District. Une sorte de finale pour définir le champion lycéen pour cette communauté.

Une fois à Washington, les “petits” gars de Wendell Phillips – façon de parler, ils sont tous au-dessus du mètre quatre-vingt-deux ou presque quand aucun de leur adversaire n’atteint cette taille – ont la chance de visiter la Maison Blanche ainsi que le campus de Howard University, fac majeure pour cette communauté qui a connu son heure de gloire sur les parquets avec le titre de Colored Basketball World’s Champions en 1911. Puis ils font mieux que leurs aînés des Outlaws qui n’avait pas réussi à s’imposer lors de leur déplacement en dehors de l’Illinois puisque Wendell Phillips surclasse Armstrong devant 4500 personnes. Illustration parfaite de l’avantage dont ils disposent en jouant dans le cadre intégré de Chicago face à un plus grand nombre d’équipes – donc un niveau plus relevé – quand à D.C. les lycées afro-américains ne jouent qu’entre eux. Plus de vitesse, plus de dureté, plus d’agressivité… dans tous les domaines, Wendell Phillips est en avance sur les lycées ségrégués.

Pour autant, cela ne fait pas encore d’eux les patrons du basketball sur les rives du lac Michigan. Comme évoqué, le niveau plus élevé de la compétition intégrée joue contre eux. Tout comme le turnover important, ce qui empêche la complémentarité de s’inscrire dans la durée. C’est le principe du lycée me direz-vous. Une fois le cursus bouclé, les jeunes hommes tâtent la balle orange dans un nouveau cadre. La fac pour certains, les nouvelles équipes – friandes des talents de Phillips high – qui percent pour d’autres. Mais en 1928, dans le sillage de la future star des Harlem Globetrotters Runt Pullins, Wendell Phillips remporte enfin le titre de champion des lycées publics de la ville chez les juniors, une première pour une équipe afro-américaine. Et une dernière pour le lycée avant les années soixante-dix.

L’âge d’or de Wendell Phillips High School se termine après le départ de la génération de Pullins. Mais sur cette petite décennie, les résultats du lycée ont permis au basketball de gagner en popularité au sein de la communauté afro-américaine de Chicago. Les Tommy Brookins, Randolph Ramsey, Toots Wright, Kid Oliver, Fat Long, Lester Johnson, Runt Pullins, George Easter, Agis Bray et Roosie Hudson qui ont brillé pour Wendell Phillips vont même avoir d’autres opportunités de prouver leurs talents de ballers.

Source : Hot Potato: How Washington and New York Gave Birth to Black Basketball and Changed America’s Game Forever, Bob Kuska –  The Black Fives – The Epic Story of Basketball’s Forgotten Era, Claude Johnson

Source illustration  : Source : https://webapps1.chicago.gov/


Voir toutes les News